Discours du Dr Bénédicte Défontaines à l’occasion de sa remise de la Médaille de l’Ordre National du Mérite – 17 novembre 2022

« Quand le 30 décembre 2020 je reçois sur mon Iphone les félicitations d’une relation de travail sur LinkedIn pour ma promotion au grade de chevalier de l’Ordre National du Mérite, je ressens une grande surprise mêlée d’un grand honneur. Sébastien et moi vérifions immédiatement sur le Journal Officiel.

Mme Défontaines (Bénédicte), médecin neurologue, fondatrice et directrice d’une association de prévention des troubles cognitifs ; 27 ans de services.

Je savais cependant, que mon cousin Henri-François Defontaines avait dit à son père Charles que mes travaux étaient méritants mais je n’en savais pas plus.

Merci Charles de m’avoir signalée à la chancellerie et de me remettre cette médaille. 

J’ai ensuite demandé au Pr Jacques Touchon (notre nouveau président d’Aloïs) de faire un discours et je te remercie Jacques pour un tel discours.

Mais le 30 décembre 2020 je me suis aussi dit en même temps « mais ils n’ont encore rien vu ! »

Au sein du réseau Aloïs, Nous venions de lancer 3 gros projets qui aboutirons en 2023, 2025 et 2026.

Leurs résultats apporteront de l’eau au moulin dans le domaine de la santé mentale : d’une meilleure considération des patients avec troubles cognitifs et une amélioration de la prise en charge de ces patients.

Et c’est là qu’on sera tous fiers et méritants

Je pense donc réseau Aloïs a un bel avenir.

J’ai fondé cette association en 2004 et je tiens à remercier le premier bureau qui nous a accompagné pendant 17 ans, représenté ce soir par le Dr Paul François.

Je tiens aussi à remercier Séverine Denolle qui a été à mes côtés pendant les 15 premières années d’une façon constructive et Marielle Menot qui a été notre première neuropsychologue salariée (qui a accepté de démissionner d’un CDI à l’hôpital pour se lancer dans l’aventure avec nous).

L’objectif de cette association était de proposer un parcours diagnostique ambulatoire pour les patients avec plainte cognitive, complémentaire du parcours hospitalier, informatisé, avec une accessibilité à la neuropsychologie, financière et géographique (téléconsultation vers les zones rurales ou outremer) pour de plus en plus de personnes.

18 ans révolus plus tard, plus de 11 000 patients ont été suivis par notre réseau Aloïs. Une partie de parcours, créé initialement pour les adultes, est sur le point d’être intégrée au droit commun en 2025 si tout va bien. Cela aura été le point de départ.  Il aura fallu plus de 20 ans pour que l’Etat reprenne le modèle.

Long parcours … heureusement je suis très bien entourée.

En 2013 je suis repérée par le réseau Ashoka (ONG qui accompagne le entrepreneurs sociaux) et devient fellow Ashoka. Cela signifie, entre autres, d’être accompagnée par un comité d’accompagnement, qui nous aide dans la vision stratégique et financière, qui se réunit depuis 2014 environ toutes les 6 semaines. Merci à Joël Postic, François Barbier, Jean-François Boutier et aussi Marco Liguori (qui nous a laissé pour d’autres aventures) et Nicolas Bonnet qui a quitté ce CODAC pour devenir opérationnel au sein de l’équipe Aloïs.

Ashoka est une véritable boîte à outils et nous a permis d’avoir l’opportunité de faire des études d’impact médico-économiques sur notre modèle en pro bono. Les résultats accentuent grandement l’intérêt de notre action, notre crédibilité et légitimité. Merci à Nicolas Bonnet qui a conduit ces études avec le cabinet KEA&Partners. Nous sommes les premiers à avoir calculé le coût global de la maladie d’Alzheimer (1er problème de santé publique en France) : 28 milliards d’euros et à avoir mis en évidence les leviers d’économie disponibles à chaque étape de la maladie, et les chiffres sont parlants. Plus récemment Ashoka nous a mis en lien avec le cabinet de conseil Goodwill management qui a réfléchi sur la population d’enfants avec TND (troubles du neurodéveloppement). Ce que l’on peut dire c’est que sans diagnostic et prise en charge adaptée, des enfants avec un trouble du neurodéveloppement (principalement TDAH) (comme c’est le cas actuellement), cela entraîne des conséquences très coûteusespour la société : 25 milliards d’€ par an

(dont 5 milliards à la charge des familles, 13 milliards à l’État (Sécurité Sociale et autres acteurs publics), 2,6 milliards au Ministère de l’Éducation Nationale, 1 milliard à la Justice).

Donc notre action préventive a tout son sens.

Entrons maintenant dans le présent et je m’adresse à ceux qui œuvrent au quotidien :

Merci à ceux qui la dirige : la cellule de direction composée de : Bertrand Schoentgen (directeur stratégique), Laura Martelli (secrétaire générale) Agnès Pécheux (assistante de direction) et moi à la direction générale.

Stéphanie Brun, notre assistante de coordination, est la porte d’entrée ; c’est sur elle que vous tombez si vous nous téléphonez.

Ce parcours d’origine ambulatoire est actuellement expérimenté payé par l’Etat et coordonné par l’équipe PASSCOG, merci à Jeanne Tournayre, Nicolas Bonnet, Apolline Blanchard, et Claire Pasquet, en lien avec le pôle clinique adulte où se rajoutent Nabil Abi Abdallah, Sébastien Latour, Valentine Ducharne et Géraldine Guillaud.

Ce parcours s’est étendu aux enfants et notre pôle enfant est né en 2016, et fonctionne sous la responsabilité de Bertrand Schoentgen avec son équipe : Fanny Redlinger, Romain Provendier, Edmée Chatin, Valentine Ducharne et Géraldine Guillaud. Ils travaillent avec les enfants de plus de 3 ans. Et pour et avec les enfants un autre grand projet est sur le feu chez Aloïs. En quelque sorte l’avenir du réseau Aloïs.

Notre rencontre via Ashoka et notre expertise en neuropsychologie nous a conduit à lancer un projet avec le Chênelet (entreprise d’insertion professionnelle). Et je remercie Anne Gaëlle Charvet directrice du Chênelet pour sa confiance, et notre équipe Aloïs qui travaille au Chênelet : Fanny Redlinger, Nabil Abi Abdallah et Joséphine Lambec (absente ce soir mais très présente dans nos cœurs). Je ne dévoile pas les résultats mais ils feront du bruit fin 2023 et cela aussi c’est une voie d’avenir pour le réseau Aloïs.

En 2014 : Nous avons été les premiers à avoir proposé une évaluation cognitive à distance, validée, à visée diagnostique. En 2022 nous sommes toujours les seuls. Nous l’avons mise en place pour la première fois en Ardèche du Nord en 2014 pour les patients qui vivent sur le plateau du vivarais Lignon. Un autre merci à Eliane Wauquiez présidente de l’association qui abrite cette consultation au sein de l’hôpital de Moze à Saint-Agrève.

Dans le même ordre d’idée notre volonté de toucher un large public en zone rurale mais aussi en outremer nous a conduit à travailler avec Zalia Hamada Faki depuis 2017 (directrice de France Alzheimer Mayotte) avec Richard Gnassounou, et Ernestine Bakobog (directrice d’Austime Mayotte) avec Fanny Redlinger et Inès Utrilla.

Travailler à distance nécessite, entre autres, d’adapter les tests que nous utilisons pour cette population à distance et nous l’avons fait pour les francophones d’Algérie et sommes en travaux pour les Mahorais. Très beau projet qui permettra à terme d’avoir des tests dans les langues locales (arabe algérien, kibishi et shimaoré) qui sera fini vers 2025. Là encore cette méthode pourra s’appliquer à tous les francophones, aux français de l’étranger et à tous les âges et là encore Alois a de l’avenir.

Une mention spéciale à certains de mes amis très chers qui travaillent ou ont travaillé bénévolement pour Aloïs : Benoit de Laurens ami de plus de 30 ans (animateur de nos séminaires Aloïs, il connaît donc nos projets et notre équipe), Marthe Lemut (amie de plus de 30 ans, qui nous a aidés à trouver des financeurs sur son temps libre), François Enaudqui nous a accompagné en 2016dans la vie de l’association Aloïs

De plus, par Ashoka j’ai fait de magnifiques rencontres et avec certaines d’entre elles le réseau Aloïs collabore : Je ne citerai que le projet Blum portée par mon amie Marti Backsai en Hongrie et la team Alois : Bertrand Schoentgen et Anne Claire Bourgeois.

Et Anne Charpy, fondatrice de Voisins Malins avec qui nous nous réunissons toutes les 6 semaines pour partager et échanger sur nos difficultés et joies entrepreneuriales.

Je ne peux pas nommer tout le monde.

Pour finir sur le réseau Aloïs je remercie le nouveau bureau de l’association : Jacques Touchon, Fabrice Gzil, Aïssa Khelifa et Jean-François Chermann.

Mais je vois qu’il est écrit pour cette Médaille du Mérite « médecin neurologue 27 ans de services (29 aujourd’hui) ». Je suppose qu’il ne suffit pas d’être neurologue pour recevoir une médaille, peut être que cela dépend aussi de la façon dont on exerce sa profession.

A Paris depuis 30 ans, je reçois des patients à l‘hôpital les 12 premières années et en libéral depuis 18 ans. Je suis certains patients depuis 30 ans. Des femmes qui ont démarré leur maladie à 30 ans et que suis tous les 6 mois. Imaginez le lien qui s’est créé. C’est une grande chance de connaître ça.

C’est par ce métier que j’ai rencontré Jean-Jacques Sempé en 2011 avec lequel j’ai noué une amitié sincère pendant plus de 10 ans jusqu’à sa mort en aout de cette année. Amitié qui se poursuit avec sa femme Martine Gossieaux que je remercie aussi sincèrement.

Cette belle profession qui m’a fait rencontrer des personnes extraordinaires comme Colette Roumanoff (qui m’a plus appris sur la façon de communiquer avec les patients que tous les livres du monde), Caroline Mac Naughton qui s’est lancée dans un nouveau métier d’aidant expert et qui effectue un travail pédagogique indispensable.

En Ardèche je consulte 2 jours par mois depuis 2011, des patients très différents de Paris surtout ouvrier et paysan. Quelle richesse humaine !

Et à Mayotte depuis 2017 où je consulte chez les gens 1 à 2 semaines par an et je fais de la télé expertise toute l’année.

L’expression des pathologies dépend aussi de la culture et j’apprends énormément par cette large vision.

Pour devenir neurologue, je suis heureuse de dire que j’ai été accompagnée et formée par des très grands neurologues : le Pr Bruno Dubois (excusé ce soir) j’ai été sa cheffe de clinique pendant 4 ans à La Salpétrière.

Là aussi je ne peux pas tous les nommer mais je cite Jacques Touchon (notre nouveau président), et j’ai rencontré des collègues géniaux qui sont devenus amis entre autres : Jean-François Chermann (notre nouveau secrétaire)

Voilà pour ma profession où se mélangent un peu quelques amis.

Enfin tout ceci ne serait pas possible si je n’étais pas accompagnée dans la vie par un socle familial et amical solide, aimant bienveillant (et oui c’est comme ça)

Sébastien Descours avec qui je partage ma vie depuis plus de 16 ans, mes craintes, mes joies… sans qui évidement les choses de ma vie n’en seraient pas là aujourd’hui s’il n’était pas là aujourd’hui.

Mais avant lui il y avait mes enfants Théophile Vitoux et Jeanne Vitoux (avec Benoit Gaillard) avec qui j’ai un lien que j’adore, et qui occupent une place de choix précieuse dans mon cœur et mes tripes. Impossible pour moi de ne pas évoquer mon 3ième enfant, Aloïs Vitoux, mort subitement à l’âge de 6 mois et demi en 1999. En lien avec sa mort le réseau Alois s’est d’abord appelé le réseau Marcel Proust pendant 2 ans, en référence au « temps retrouvé » : le temps que les patients retrouvent en bonne santé si on fait un diagnostic précoce d’une maladie cognitive ou d’un trouble du neurodéveloppement, et le temps que la mère retrouve si on lui enlève un enfant. Au bout de 4 à 7 ans j’ai réalisé que si on peut ne pas s’écrouler et mourir après un accident de vie pareil : que faire de ce temps ?

Mais les ayants droit de Marcel Proust nous ont demandé tellement d’argent que nous avons dû changer de nom et je ne suis pas à l’origine du nom de ce réseau mais le premier bureau l’est. Extraordinaire histoire.

Et puis, je remercie ma famille et belle famille. D’abord ma fratrie Domi et François, mes beaux enfants et leurs conjoints mes cousins et leurs familles. Je ne peux pas tous les nommer, juste ceux qui sont là : Emery Descours, Alianore Descours et Remi Caliskan-Héniau Fred et Françou Defontaines, Dominique, Anne et Arnaud. Et les amis de mes enfants Barnabé Martin.

Enfin merci à mes amis. J’en ai déjà cité quelques-uns avec qui je travaille mais je n’oublie pas Luc Réfabert et Françoise.

Et Pascale Durand, amie de 20 ans non-neurologue non-Aloïs mais amie de cœur, sœur de cœur. 

Je finirai par remercier mes parents, car c’est là quelque part, que tout commence. Et ils sont méritants. Je suis fière.

Mon père Serge Défontaines (1934-2020) qui a ouvert mon champ de vision en nous faisant voyager par son travail (enfance en Algérie, vit en communauté avec ma mère entre autres) puis passage par Brazzaville là où ma vocation de médecin est née je pense, puis à Cotonou). Ma mère Annie Guérineau- Jomelli qui à 83 ans est toujours en activité en tant que psychanalyste à Paris qui m’a intéressée à la santé mentale.

Merci à tous